Le Requiem Mozart/Czerny
"pour nous conduire dans l'intimité d'un chef-d'oeuvre"
Entretien avec Jean-Marc Boussard
Comment vous est venue l’idée de programmer le Requiem de Mozart dans cette rare version pour chœur et piano à quatre mains ?
Il y a trois ou quatre ans, j’avais pris mon bâton de pèlerin pour arpenter les chemins de la toile à la recherche d’une émotion nouvelle, d’un compositeur peu connu ou de toute nouveauté pouvant entrer dans un programme que je souhaitais faire, à l’époque : concerto pour chœur et deux pianos. Ma surprise fut de trouver la partition, dans une édition ancienne d’Anton Diabelli, d’une transcription du Requiem de Mozart, en version à quatre mains. Elle avait été réalisée par Carl Czerny.
Czerny, Diabelli... cela évoque les premières années de piano de tant de jeunes élèves… Cette partition est restée un moment dans mes tiroirs, car trop difficile à lire ou à rééditer.
Tout cela jusqu’à ce que Dominique Debart, complice de la première heure, trouve ce que je cherchais depuis longtemps : une réédition moderne de cette partition. Dès lors, l’écoute et la lecture en devenaient possibles, ce qui m’a permis de faire partager mon enthousiasme pour cette interprétation et faire admettre qu’il ne s’agissait pas d’une transcription jouée pour économiser les frais d’un orchestre, mais de la véritable relecture d’une partition que tous les mélomanes connaissent ou croient connaître.
En conséquence, êtes-vous plus exigeant dans la préparation de vos choristes ?
L’être plus, en cette occasion, signifierait qu’on ne l’est pas les autres fois. Alors non ! Pas plus exigeant mais, peut-être, dans une recherche de plus de constance et de rigueur pour essayer de faire partager les subtilités et la sensibilité de cette revisitation.
Czerny nous fait comprendre, dans les plus petits détails, comment Mozart avait construit la puissance émotionnelle de son Requiem. A nous de savoir lire cette partition pour assumer, en totalité, la responsabilité que cette transcription nous propose, sinon nous impose.
Le "passage de témoin" à Dominique Debart n’a-t-il posé aucun problème ?
Si, une fois ! La première fois que je lui ai proposé l’œuvre sous cette forme... du moins jusqu’au moment où, la partition en mains, nous avons pu travailler et écouter un enregistrement. On ne parlait plus, alors, d’une "réduction" d’un chef-d’œuvre, mais de la découverte de l’intimité de ce chef-d’œuvre. La tâche de vouloir faire partager notre lecture devenait alors passionnante, et l’originalité de notre proposition très motivante.
Plus de vingt ans d’amitié, de travail en commun, de rigueur musicale, d’enthousiasme et de respect ont fait le reste pour nous permettre d’effectuer un travail en profondeur, en compréhension des méandres cachés de l’œuvre. Un travail auquel notre si indispensable chef assistante Frédérique Mallard a pu, fort heureusement, s’associer.
En première partie de ces concerts de juin 2015, vous dirigez l'Ensemble vocal dans une pièce d'un musicien contemporain, Ola Gjeilo. Est-il vrai que vous vous intéressez aux œuvres chorales de "nouvelle génération"?
Oui, absolument, car il existe, depuis vingt ans, une renaissance de l’écriture pour la musique chorale, et ce, principalement sous l’influence des jeunes musiciens nordiques et américains.
Ces nouveaux compositeurs affirment le respect de leurs cultures et des courants musicaux antérieurs, la richesse du mélange des différentes civilisations, la désinhibition musicale, le tout porté par une technique très travaillée, très assurée et toujours dirigée vers un partage émotionnel avec le public, et pas seulement vers une élite… ou pseudo élite.
Scott Joplin et son opéra Treemonisha, George Gershwin, Leonard Bernstein ont ouvert tant de voies ! Merci à Aaron Copland, Charles Ives, Steve Reich, Phillip Glass, Samuel Barber, Morten Lauridsen, Eric Whitacre, Nico Muhly, Ola Gjeilo, et d’autres, de s’y être engouffrés avec autant de personnalité et de talent, et de nous avoir déjà donné la chance de chanter les musiques de la plupart d'entre eux.
Allez… une dernière confidence. Dans mon fameux tiroir, là où était enfermée la version du Requiem de Czerny, il existe aussi un programme de ces différents musiciens, tout prêt à être interprété. Mais ceci est un secret entre nous !